Habitant en Pologne depuis plus de vingt ans, je suis bluffé par les développements économiques et stratégiques du pays depuis 1989. La Pologne est aujourd’hui un leader européen solide et crédible avec plus de 4 % de son PIB dédié à son budget militaire. À partir du 1er janvier 2025, la Pologne et son Premier ministre, Donald Tusk, assureront pour six mois la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne. Une présidence d’une importance cruciale au moment où un autre Donald, prendra les rênes de son pays, les États-Unis.
La visite d’Emmanuel Macron, la semaine dernière en Pologne, s’inscrit dans cette perspective : travailler au renforcement de la coalition militaire en soutien à l’Ukraine et apporter des réponses aux menaces de guerre hybride contre les démocraties européennes, avant la prise de fonction de Donald Trump. Nos pays n’ont jamais été aussi alignés sur l’importance pour l’Europe de se doter d’une véritable souveraineté stratégique.
La reconnaissance des Polonais envers leur Premier ministre est palpable aujourd’hui. Il a non seulement gagné les élections législatives et mis un terme à la gouvernance erratique du Parti Droit et Justice (PIS) et de son leader Jaroslaw Kaczynski, mais il a surtout ramené la Pologne au centre des équations européennes grâce à sa ténacité, son courage politique, ses choix et prises de position fortes. Les Polonais ne l’attendaient pas à ce niveau de « Mąż stanu », d’homme d’État, lorsqu’il était dans l’opposition. Donald Tusk remet la Pologne en ordre de marche en arrêtant les dérives de l’État de droit (justice, média) ; il casse le tabou du sacrosaint « bouclier américain » en alertant ses concitoyens sur sa fragilité et plaide ouvertement et fermement pour une souveraineté européenne.
Ce n’est donc pas étonnant que le président de la République, à Varsovie la semaine dernière, ait évoqué l’Ukraine, la nécessaire solidarité européenne en matière de défense, mais aussi la Moldavie, la Géorgie, et la manipulation des élections. Il a abordé ces sujets en nommant l’ennemi, aussi clairement que les habitants de cette région entre Mer Baltique et Mer Noire, le désignent : l’impérialisme russe.
Alors que le monde entier est suspendu à l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche, un autre Donald pourrait créer la surprise en 2025. En Européen convaincu, le Premier ministre polonais devrait avoir la volonté d’imposer l’agenda européen, ses intérêts, mais aussi les valeurs de coopération, de responsabilité et de solidarité européennes, face au tout-puissant Donald Trump. En aura-t-il la capacité ? Souhaitons-le.