Je reviens de mission aux Etats-Unis avec des parlementaires de différents pays et de différentes familles politiques de l’Union européenne. Lors de notre première journée de rencontres en Pennsylvanie, nous nous sommes confrontés avec nos collègues américains sur la nécessaire poursuite du soutien à l’Ukraine. Nous n’étions pas venus pour faire des déclarations de façade, mais pour éclairer nos divergences, convaincre, écouter et comprendre, mais aussi affirmer.
Nous avons tous été frappés de la profondeur de la démocratie américaine. Au contraire de notre vision centralisatrice, qui voudrait que l’arrivée de Trump marque un basculement d’un seul bloc de la vision géopolitique des États-Unis, nous avons découvert un parlement local de 200 élus, à courte majorité démocrate, un exécutif démocrate également, qui assument une différence, même des divergences notables, avec le pouvoir fédéral de Washington DC. Nos positions ont souvent été proches ; nous étions en territoire de compréhension mutuelle.
Le jour de notre arrivée, Donald Trump a ordonné une intervention fédérale contre les émeutes de Los Angeles, contre l’avis des autorités de Californie, et en particulier de son gouverneur, élu. Dans ce petit groupe de parlementaires venus de l’Union européenne, nos positions sur la légitimité constitutionnelle de la décision de Trump n’étaient pas homogènes, comme elles n’étaient pas homogènes parmi les forces politiques et les autorités juridiques américaines. Le président des États-Unis a-t-il le droit d’intervenir dans les affaires internes de l’un des cinquante États fédérés ? La Californie est-elle « manipulée » par des forces extérieures, les cartels, qui menacent la sécurité de l’ensemble des Etats-Unis ?
Et même si ensuite, à Washington DC, nos rencontres avec les Républicains du Congrès, ainsi qu’à la présidence, ont été nettement moins unanimes sur la situation en Ukraine et la menace pesant sur l’Est de l’Union européenne, nous avons toujours été écoutés, parfois même rassurés par des voix fortes, y compris à l’intérieur du camp républicain (sur les sanctions secondaires, en particulier).
Trump demeure imprévisible, même pour son propre camp. Un ancien diplomate américain, présent au forum sur la sécurité, Globsec, à Prague, en fin de semaine, l’a reconnu avec humour, sincérité et une pointe d’inquiétude. Deux questions se posent : la pusillanimité de l’administration Trump est-elle une péripétie passagère, une piqûre de rappel qui va réveiller une grande démocratie ? Ou le détricotage va-t-il se poursuivre, et fragiliser encore davantage les autres démocraties du monde ?