Lundi 12 juillet, le Président de la République s’est exprimé sur les prochaines mesures mises en place afin d’enrayer l’épidémie et de se prémunir du variant Delta. Extension du pass sanitaire à différents lieux de rassemblement, obligation vaccinale pour les personnels au contact de publics fragiles, campagne de rappel vaccinal : toutes ces mesures seront retranscrites dans un projet de loi examiné mercredi 21 juillet à l’Assemblée nationale.
1 – Résumé des 11 articles de loi :
- Article 1 :
- Amende la possibilité pour le gouvernement de prendre un décret pour accompagner la sortie de crise sanitaire de la façon suivante :
- Le gouvernement aura cette possibilité jusqu’au 31 décembre, alors qu’elle devait expirer au 30 septembre.
- Elle concerne les obligations de prouver son état « statistiquement non contagieux par QR code ou par documents papier », aux activités de loisirs, aux activités de restauration ou de débit de boisson, aux foires ou salons professionnels, aux services et établissements accueillant des personnes vulnérables (sauf en cas d’urgence), et aux grands établissements et centres commerciaux (usagers et intervenants).
- Le manquement aux contrôles par les exploitants et les responsables de ces structures sera puni d’amende et de prison.
- Amende la possibilité pour le gouvernement de prendre un décret pour accompagner la sortie de crise sanitaire de la façon suivante :
- Article 2 à 4 :
- Systématisent et améliorent le contrôle de l’isolement des personnes positives.
- Article 5 :
- Impose l’immunisation aux professions de santé et d’accompagnement des personnes fragiles, ainsi qu’aux pompiers, pilotes, militaires et autres acteurs de la sécurité civile et de la sécurité intérieure.
- Article 6 :
- Précise les conditions de satisfaction de l’obligation vaccinale.
- Article 7 :
- Précise les sanctions en cas de non-respect de l’obligation vaccinale.
- Article 8 :
- Précise les sanctions de la méconnaissance de l’interdiction d’exercer et de l’obligation de contrôle de l’obligation vaccinale
- Article 9 :
- Autorise l’absence des salariés pour se faire vacciner.
- Article 10 :
- Précise le régime de réparation des préjudices directement imputables à une vaccination obligatoire.
- Article 11 :
- Précise les conditions d’application des dispositions à Wallis-et-Futuna
2 – Ma position sur quelques principes :
- Lutter contre une maladie ou contre une épidémie fulgurante, ce n’est pas la même chose :
La maladie comme l’épidémie relèvent des mêmes acteurs, des mêmes financements, des mêmes autorités, des mêmes recherches, mais leur impact sur la société est complètement différent.
Une maladie (prenons le cancer), demande à ce que nous protégions les personnes, que nous les guérissions, que nous les accompagnions, dans un contexte de société plus ou moins stabilisée. Nous nous concentrons sur les diagnostics, les expériences parfois longues, les échanges entre chercheurs, dont certains y consacrent leur carrière…
Dans le cas d’une épidémie, en plus de ces enjeux qui restent valables (et présents et développés en 2021 dans le cas du Covid-19), s’ajoute une course contre la montre : aucun système de santé, de soin (pour prévenir ou guérir), ni même de système d’assurance et de maillage hospitalier n’est préparé à affronter, en un temps réduit, un nombre considérable de patients, souffrant de la même maladie, inconnue quelques semaines plus tôt ;
Avec le Covid-19, nous sommes dans le cas d’une épidémie. Cela induit deux conséquences :
1) Nous devons réagir vite ; les confinements avaient moins pour but immédiat la protection des personnes que le désengorgement des services d’urgence, qui n’étaient pas prévus pour être occupés avec un tel volume, en si peu de temps, par une seule pathologie. Il n’est pas possible d’attendre toutes les vérifications et les règles prudentielles des méthodes généralement à l’œuvre en cas de maladie sans épidémie.
2) Nous devons travailler davantage sur les solutions vaccinales massives, que sur les solutions curatives personnelles (course contre la montre). Au fur et à mesure de la baisse des cas « dangereux » nous pourrons rééquilibre nos efforts sur le curatif et le permanent, en y intégrant toutes les expériences déjà à l’œuvre et en phase d’expérimentation dans la médecine de ville depuis le début de l’épidémie, et même parfois avant.
En bref : les traitements curatifs et préventifs personnels finiront par guérir et prévenir la maladie Covid-19 ; seule la vaccination collective peut éviter de nouveaux confinements et la catastrophe éducative, sociale, économique, qu’ils ont entraînés et qu’ils entraîneront encore.
- L’obligation de vaccination n’est pas une nouveauté, parler de « dictature » est excessif :
En France comme dans de nombreux pays, des obligations vaccinales, parfois dures, existent. C’est le cas aussi dans le monde du travail.
L’obligation éventuelle d’une ou l’autre vaccination, ou une obligation de soins, n’est donc pas systématiquement une atteinte à la liberté individuelle, mais peut être une décision légitime pour protéger le plus grand nombre. Rien d’antidémocratique a priori, si tant est que la décision se justifie par rapport aux risques encourus et que les autorités la justifient. La Cour des droits de l’homme vient d’ailleurs de rendre un jugement en ce sens.
En bref : chacun a le droit de faire ses choix et de les assumer pour sa santé personnelle ; le gouvernement, de son côté, a le droit et le devoir de décider de mesures collectives, fortement incitatives, s’il justifie qu’elles évitent un mal collectif, et s’il assume ses choix.
3 – Ma position sur le texte :
- Le déplacement de la date limite du régime d’exception s’avère nécessaire (article 1). Nous avions refusé en mai de donner carte blanche au gouvernement au-delà de trois mois, mais nous nous étions logiquement engagés, en cas de nouvelles complications, à revenir siéger pour repousser cette fin du régime d’exception.
- J’approuve l’extension de l’obligation de prouver son état « statistiquement non contagieux dans les établissements visés » (article 1). Nous ne pouvons pas imposer à ces établissements le risque d’un nouveau confinement: près de 40 millions de nos concitoyens ont fait le choix de la vaccination, nous ne pourrions pas imposer à ces établissements une nouvelle fermeture pour la dizaine de millions qui déciderait de ne pas se faire vacciner, et/ou qui ne voudrait pas se faire tester.
- Je suis d’accord avec l’extension de ces règles aux intervenants dans ces établissements, et à la possibilité de reconnaître cette obligation dans la relation employeur-employé (article 1). Cela existe déjà dans de nombreux domaines de l’activité des entreprises. Je comprends, puisque la loi ne change rien dans ce domaine, que ces obligations et les conséquences seront traitées par le droit du travail et les instances paritaires.
- Je suis réservé sur la dureté de la sanction pour les exploitants et les responsables. Je considère que la Nation les a beaucoup aidés pendant cette année et demie, que nous pouvons effectivement leur demander de « nous aider » à présent, mais je pense que nous pouvons réfléchir à une relation plus partenariale. Il faut davantage les accompagner. Contrôler des clients, surtout dans le cas de situations spécifiques, ne fait pas tout à fait partie de leur cœur de métier et une erreur ne mérite pas la prison…
- Je suis d’accord sur les dispositions des articles 2 à 4, même si j’ai conscience de leurs limites. Je sais que certains n’ont pas le choix (travailleurs précaires et indépendants) et qu’il faudra les accompagner, mais j’avoue que je suis surpris d’apprendre que certains de nos concitoyens ne respectent pas cet isolement de façon délibérée, et, même symboliquement, il est important de marquer cette profonde rupture de solidarité et cette forme d’individualisme, à tout le moins de manque de civisme.
- L’obligation faites aux professionnels cités dans l’article 5 d’être immunisés est également nécessaire. Puisque la loi ne change rien dans ce domaine, ces obligations et les conséquences devraient être traitées par le droit du travail et les instances paritaires.
- Je suis réservé quant aux délais de mise en place, tant que je n’aurais pu vérifier que ces délais permettent réellement à tous ceux qui sont immunisés, ou qui souhaitent l’être, de se faire vacciner ou reconnaître leurs contaminations et leur immunité, et que ces délais permettent également à ceux qui refusent pour motifs personnels qu’ils seront accompagnés conformément au droit du travail.
- Je suis d’accord avec l’article 9.
4 – Ma position sur le débat démocratique en France et les graines de violence que certains sèment :
Je suis choqué par les comparaisons indignes que certains dressent dans notre situation difficile et, j’insiste, dans cette situation commune à tous les peuples de la terre. J’habite à Cracovie, je connais l’histoire de nos terres ensanglantées au siècle dernier : comparer l’incitation forte à la vaccination pour les derniers millions de nos concitoyens qui hésitent encore, à une dictature, aux camps de concentration, est absolument indigne.
La situation est complexe, nous avons tous et chacun le droit au doute, le droit à changer d’avis, le droit au temps pour comprendre, et même, nous avons tous et chacun, à part le gouvernement, le droit de n’avoir pas de solution ni de proposition…
En revanche, dans un temps aussi dur, avec les nuages qui s’amoncèlent en face de nous, nous devons à notre pays un effort de réconciliation, de fraternité, cette fraternité qui est au fronton de nos mairies. La fraternité, ce n’est pas uniquement quand tout va bien dans la famille, c’est surtout important quand nous ne sommes pas d’accord, quand nous doutons, quand nous avons envie de rompre et de détruire.
Quand l’appel à la division, à la violence vient de responsables politiques, je ne suis plus simplement choqué, je suis atterré.
Vous trouverez ci-dessous des documents qui complètent ma réflexion :