Les images de Xi Jinping à Moscou durant la parade (mascarade) de Poutine, le 9 mai dernier, ont fait le tour du monde. Célébration de l’amitié sino-russe ? Ou consécration de la réelle domination chinoise sur la Russie ?
Dès 2018, je décrivais dans un rapport parlementaire sur les transformations géopolitiques à quel point la Chine supplantait déjà à cette époque la Russie, de façon écrasante, dans les territoires asiatiques. Des ressources énergétiques bradées dans un sens, des biens manufacturés et technologiques dans l’autre ; j’avais d’ores-et-déjà observé une puissance planétaire réelle, donc discrète, encadrant et manipulant un va-t-en-guerre archaïque. Oui, le rapport de domination de la Chine sur la Russie est réel, et encore plus irréversible depuis février 2022. La gamelle semble parfois pleine, mais la laisse est bien courte !
Martial et sauveur du monde il y a à peine trois mois, Trump « perd patience » aujourd’hui, tout en passant un quart de son temps sur… le green de golf. Quant à Poutine, il change d’avis et de « grands principes » toutes les 48 heures, pour nous bercer d’illusion sur la supposée « bonne volonté » du Kremlin. Pis encore, dans ce théâtre d’ombres, les Etats-Unis et la Russie sous-estiment les autres acteurs, en particulier l’Union européenne : guerre commerciale désordonnée, contradictoire et chaotique de Trump ; cessez-le-feu unilatéral annoncé par Poutine, pour la galerie, alors qu’il déclenche au même moment des avancées de ses troupes sur tous les secteurs du front. Une vraie puissance respecte les forces en présence, elle ne les prend ni pour des inférieurs, ni pour des naïfs.
Trump et Poutine partagent aujourd’hui un intérêt commun : faire baisser l’intensité de la démonstration forcenée de leur puissance, dont tous deux ne sont pas loin de penser qu’elle est d’ordre divin, civilisationnel. Objectif : faire durer un statu quo plus ou moins bienveillant en apparence ; Au « tu peux faire semblant d’être capable d’arrêter la guerre » de Trump, répond le « je peux faire semblant de taper moins fort » de Poutine, tout en se préparant pour la prochaine agression dans quelques années… Dans ce monde de faux-semblants, le seul qui paraît rester clair, logique et dangereux, c’est Xi Jinping.
Et l’Union européenne ? Pourquoi pas, si elle met à profit précisément ces quelques années à venir de mise en scène pour vraiment s’atteler à sa tâche.