Si l’accession au pouvoir du candidat national-populiste, Karol Nawrocki, pourrait gêner Donald Tusk, notamment sur les réformes internes pour le plein retour de l’état de droit, elle ne doit pas rendre les démocrates européens fébriles. Cette victoire « sur le fil du rasoir » (370 000 voix sur 21 millions d’électeurs séparent les deux candidats) ne préjuge en rien d’une dérive autoritaire à venir ; elle n’entame pas plus la ferveur d’une grande partie de la société civile polonaise à défendre les libertés et la démocratie. Un président du parti Droit et Justice remplace un président du parti Droit et Justice. Le gouvernement de Donald Tusk reste aux affaires, en particulier sur la défense, l’international, et l’Europe, appuyé par une claire majorité au parlement.
L’élection a été transparente. Pour nous, démocrates, le vainqueur d’une élection n’est pas le destructeur de « ceux qui n’ont pas voté pour lui », mais leur serviteur et leur représentant. Transformer les élections en grand soir, en « bifurcation » brutale, en blanc-seing des uns contre les autres, est un contresens stérile et mortifère.
Démocrates, balayons devant notre porte ! Prétendre être « un rempart contre les extrêmes » ne suffit plus, quand certains d’entre-nous cèdent au même simplisme du « yaka fokon ». Rappelons sur le terrain que non, l’Union européenne ne veut pas « faciliter le changement de genre des enfants à l’école », comme le prétendent Nawrocki et Orban ; Non, l’Union européenne n’a pas « annulé l’élection présidentielle Roumaine », c’est la cour constitutionnelle roumaine. Et tant d’autres absurdités…
Soyons des citoyens éclairés face à des campagnes électorales menées par de batteurs de foires. Soyons des citoyens responsables, qui ne s’engagent pas uniquement une fois tous les cinq ans. Arrêtons de nous tétaniser, comme le lièvre devant les phares, à chaque remise en cause dans un scrutin national ; et ne nous laissons plus endormir à chaque victoire, comme si tout était acquis. Recentrons-nous sur les grands enjeux : l’unité dans la diversité, la souveraineté, les sujets vitaux de défense de l’État de droit, la libre circulation des idées, des langues, des personnes, des biens, des capitaux.
La démocratie ne vit que par des élections libres et non faussées, mais elle ne peut y être réduite.
