Mes chères concitoyennes, mes chers concitoyens,
À un jour d’intervalle, deux grands Européens nous ont quittés en décembre dernier : l’Allemand Wolfgang Schäuble à 81 ans et le Français Jacques Delors à 98 ans. Fondamentalement chrétiens-démocrates, tous deux ont œuvré sans relâche à l’intégration européenne, l’un comme ministre des finances de 2009 à 2017 puis président du Bundestag de 2017 à 2021, l’autre lorsqu’il était à la tête de la Commission européenne de 1985 à 1995 et toute sa vie durant.
Deux textes ont marqué les dix ans de présidence de Jacques Delors au sein la Commission européenne : l’Acte unique, signé entre 12 pays en 1986, qui ouvre la voie au marché unique ; le traité de Maastricht, signé en février 1992, qui crée l’union monétaire. Deux textes décisifs pour l’intégration européenne.
Militant infatigable du rapprochement franco-allemand, Wolfgang Schäuble a été quant à lui, l’un des artisans de la sortie de la crise financière, à la fin des années 2000 et l’un des architectes du Plan de relance européen de 750 milliards d’euros, adopté en 2020 pour faire face aux conséquences de la crise sanitaire.
Dans une tribune publiée dans la Frankfurter Allgemeine Zeitung, à l’été 2020, Wolfgang Schäuble plaidait pour une « autonomie stratégique » de l’UE : « L’Union européenne doit mieux se préparer afin que, dans les crises, elle soit plus résistante et plus souveraine ». Sur le plan de la défense, face au désengagement croissant des Etats-Unis, l’Europe devait selon lui, « prendre ses responsabilités dans le monde et pour sa propre sécurité ».
À l’heure où l’Europe connaît à nouveau la guerre sur son territoire, où le monde traverse des turbulences économiques, climatiques, géopolitiques, comment continuer à porter l’héritage de ces deux grands Européens ? C’est à cette question qu’il nous faudra collectivement répondre en juin prochain au moment d’aller voter et renouveler le parlement européen. Quelle Europe voulons-nous demain ? Une Europe puissante et souveraine ou une Europe qui se résigne face au rouleau-compresseur chinois, devant la désertion américaine ou encore face à l’ingérence russe ?
Et que dire de la montée des populismes un peu partout en Europe, avec l’émergence de discours qui font frémir le démocrate et humaniste que je suis. Y a-t-il une fatalité à ce que renaissent chez nous les simplifications haineuses, la violence, la haine de l’autre, les boucs émissaires archaïques ? Comment défendre notre modèle de paix, patiemment construit au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, quand il est attaqué directement, par l’un de nos voisins ? Acceptons-nous qu’elle se réduise désormais à un rêve, une illusion ?
Je veux croire, comme ces deux grands Européens, qu’en citoyens éclairés, nous restons libres de choisir notre destin commun et de résister aux forces du mal. J’en veux pour preuve, les gigantesques mobilisations citoyennes des dernières semaines en Allemagne, pour dire non au fascisme et refuser l’idéologie radicale du parti d’extrême-droite, Alternative pour l’Allemagne (AfD).
