Sur le fond, cette abstention correspond tout d’abord à ma frustration de n’avoir pas pu débattre au sein de notre assemblée d’un sujet sensible mais néanmoins important, sur lequel nos concitoyens nous demandent des réponses. Le travail de la commission des lois de l’Assemblée nationale avait permis de « nettoyer » le texte des nombreux ajouts inconstitutionnels ou absurdes introduits par les sénateurs. Il avait d’ailleurs été voté à une très large majorité en commission. Ce texte que nous aurions dû discuter et amender pendant quinze jours en hémicycle, me semblait à la hauteur des enjeux et correspondre à une position équilibrée, largement majoritaire parmi nos concitoyens. Il alliait générosité, rigueur, bon sens et efficacité.
Malheureusement, des députés inconscients et irresponsables ont voté le 11 décembre une motion de rejet préalable : cela signifie institutionnellement qu’ils nous ont empêché de faire le travail pour lequel nous avons été élus. Et ce vote surréaliste, dans une ambiance de stade de foot et d’AG de l’UNEF où la gauche et le Rassemblement National exultaient, a été présenté comme une mise en échec du… gouvernement ! Non, si mise en échec il y a eu, c’est celle du parlement, bien évidemment.
Deux éléments essentiels ont suscité mon malaise : tout d’abord, les extrêmes ont voté ensemble, pour museler le travail du parlement. La Gauche et le RN se sont donc « alliés contre les institutions » et ont fait dérailler leur fonctionnement démocratique. Quelle sera l’étape suivante ? Personnellement, c’est l’image de l’incendie du Reichstag qui m’est venue à l’esprit dans ce brouhaha de bac à sable.
Ensuite et surtout, au-delà de leur inconscience et de leur irresponsabilité institutionnelle, ce sont bien nos collègues de gauche et de l’extrême gauche, qui ont de facto voté pour… revenir au texte durci par le Sénat !
À plusieurs reprises et très calmement, nous leur avons expliqué que voter la motion de rejet préalable remettait en selle la seule version du Sénat. Ils avaient accepté le jeu des amendements en Commission des Lois et en avaient même imposés certains au gouvernement. Mais, ils ont finalement décidé de bloquer le travail parlementaire, dans une procédure tronquée, où seul le texte issu du Sénat, écrit par les députés Les Républicains, subsistait. Ce texte collectionne les articles de postures, sans portée réelle et certaines de ses dispositions sont d’ores-et-déjà entachées d’inconstitutionnalité.
Allions-nous vraiment exiger une caution des étudiants à qui nous accordons par ailleurs une bourse pour venir en France ? C’était absurde. La venue d’étudiants étrangers en France, est une politique publique soutenue par l’État. La caution n’avait rien à faire dans un texte sur les migrations internationales.
Rejoignant le camp des antidémocrates, nos collègues de gauche nous ont donc imposé un vote bloqué sur un texte invotable ! J’ai considéré, pour ma part, que je n’avais pas été élu pour ça.
Pour aller plus loin dans mon explication de vote, je dois évoquer ici d’autres éléments qui ont justifié ce choix de l’abstention. D’une part, certains articles du Sénat seront inapplicables ou sans effets. Même si la saisine du Conseil constitutionnel devrait les supprimer, il m’était difficile de fermer les yeux sur des dispositions qui ne sont pas de la compétence du parlement, anticonstitutionnelles, voire totalement absurdes.
D’autre part, certaines mesures introduites par les sénateurs LR sont contraires non seulement à mes principes, mais surtout à mon travail de député. C’est le cas particulièrement de la caution demandée aux étudiants étrangers. Le programme 185 relatif à la diplomatie culturelle et d’influence française, dont je suis le rapporteur au sein de la Commission des affaires étrangères, cherche à promouvoir cette démarche visant à attirer des talents venus de l’étranger et à créer des ponts avec les pays d’origine. Voter pour l’introduction d’une caution étudiante aurait été contraire à ce que je défends depuis près de sept ans au parlement.
Enfin, politiquement, le « débat » a pris une tournure si simplificatrice (texte « raciste », « préférence nationale », etc.) qu’il nuit à la clarification des enjeux. Depuis toujours, je défends le principe d’un choix éclairé pour nos concitoyens. Or, le texte issu de la CMP et le spectacle désastreux qu’a donné notre assemblée ces derniers jours, ne favorisaient pas ce choix.
Pourquoi je n’ai pas souhaité voter contre le texte ? Parce que j’ai le plus grand respect pour le travail de mes collègues qui n’ont pas ménagé leurs efforts au sein de la commission mixte paritaire pour tirer le texte du Sénat vers l’équilibre, tout comme je respecte le choix de certains de mes collègues de voter finalement ce texte.
En ne votant pas contre ce texte, j’ai voulu également marquer ma solidarité avec la majorité présidentielle, face au piège dans lequel des députés-potaches et inconséquents ont voulu l’entraîner.