Le gouvernement a présenté le 18 février 2021 un projet de loi relatif à l’aide publique au développement qui entend donner un nouvel élan à la politique de développement solidaire et changer profondément de méthode en concentrant les efforts sur les « batailles décisives » (climat, santé…) et « les combats d’avenir » que sont l’éducation et l’égalité. Or, cette exigence d’efficacité ne trouvera pleinement à s’exercer que si elle s’accompagne d’une profonde réorganisation de notre diplomatie.
Nous devons en effet, poursuivre et amplifier la mutation profonde des ressources de l’action extérieure de la France. Après des années de baisses et de coups de rabot, les moyens de la diplomatie française sont en hausse. Nous pouvons nous en réjouir. Il s’agit surtout d’en faire bon usage.
Comment piloter l’action extérieure de notre pays de façon cohérente, en usant de tous les outils à notre disposition et affirmer ainsi la voix de la France dans un monde multipolaire, complexe ? En complétant notre diplomatie traditionnelle, omniprésente, souvent dirigée par des généralistes, avec une diplomatie thématique davantage ciblée sur les enjeux contemporains.
À l’image des ambassadeurs des pôles ou du climat, la France devrait se doter aujourd’hui d’une diplomatie de l’eau. C’est le sens de l’une des propositions que nous formulons, mon collègue Alain David et moi-même, dans le rapport d’information « Climat et conflits » de la Commission des affaires étrangères.
Cette diplomatie du climat, de l’eau, voire de l’éducation, est encore à construire mais nous avons déjà à notre actif quelques réformes pionnières et prometteuses : Expertise France, la commission des fouilles, les centres de recherche à l’étranger. Nous pouvons également compter sur la volonté désormais affichée du ministère des Affaires étrangères d’aller dans cette direction.
La rénovation immédiate des statues et du musée de Mossoul en est un exemple. Plus qu’une action ‘culturelle’, cette intervention de la France en Irak était un acte diplomatique fort, alors même que la ville de Mossoul n’était pas encore complètement sécurisée.
Mais des incohérences subsistent dans notre diplomatie actuelle. Pourquoi maintenir un directeur du climat au sein du ministère alors qu’un ambassadeur du climat a été nommé, sans grand moyen ? Par aileurs, il n’existe pas d’ambassadeur pour l’éducation et la culture, alors que nous avons trois ou quatre opérateurs dédiés à cette thématique, ô combien essentielle pour notre diplomatie d’influence.
Une action rationnelle de la France dans le monde consisterait en un bon équilibre entre d’un côté, les généralistes du corps de diplomates, issus de l’administration et de la haute fonction publique, déclinant dans chaque pays les attentes particulières et en assurant le suivi ; de l’autre, des ambassadeurs thématiques, plénipotentiaires ou haut représentant du gouvernement, responsables des objectifs à atteindre dans chacun des champs de notre diplomatie : montant de l’APD en 2023, évolution des indicateurs des objectifs de développement durable, doublement des élèves de l’enseignement français à l’étranger en 2030, audience de l’audiovisuel français dans le monde…
Ces ambassadeurs thématiques apporteraient de surcroît, une plus grande visibilité et une plus grande transparence à notre diplomatie globale, au service du monde d’après que nous voulons plus solidaire et plus sûr.