Mes chères concitoyennes, mes chers concitoyens,
« Nous aurions dû commencer par la culture ». Telle était la conviction de Jean Monnet à la fin de sa vie, s’agissant de l’Europe. La culture nous sauvera-t-elle demain du chaos du monde ? J’en suis profondément convaincu. Une culture humaniste, ouverte sur le monde.
Je reviens d’Algérie, où j’ai effectué une mission de terrain, comme chaque année depuis six ans, dans le cadre de mes fonctions de rapporteur pour avis du budget de la diplomatie « culturelle », ou « d’influence ». J’y ai observé une diplomatie culturelle qui se réinvente pour surmonter les blocages de la diplomatie institutionnelle classique. Une diplomatie davantage tournée vers la société civile. Cette « action de la France dans le monde » – c’est ainsi que s’intitule la mission budgétaire- est essentielle, je dirais même vitale.
Nous assistons à l’heure actuelle à des bascules, des « Zeitwende », dont chacune et chacun d’entre nous évalue difficilement la portée. L’Ukraine et les terres européennes sont-elles vraiment en train de se réensanglanter, pour paraphraser Timothy Snyder (*) ? Quelle est la profondeur réelle du sentiment « anti-français » qui transparaît dans la série de putschs au Sahel et en Afrique subsaharienne ? Quel destin l’Algérie peut-elle construire pour ses enfants et pour le monde aujourd’hui ? Notre modèle démocratique et sa revendication universaliste, sont-ils capables de résister aux impérialismes autoritaires ? Au matérialisme mercantile ?
Deux points mes semblent devoir être relevés. D’une part, l’importance de ce que j’appelle la « diplomatie de la société civile ». Celle des lycées français, des diasporas croisées, des jumelages, des coopérations universitaires, des solidarités dans les crises, des associations, la diplomatie de ceux qui « habitent » plusieurs langues. C’est cette diplomatie qui constitue le soubassement des relations institutionnelles entre les différents États. Nous le voyons tous les jours dans notre quotidien de Français à l’étranger, en particulier dans notre circonscription, car c’est ce qui fait la force et la profondeur des relations, en particulier franco-allemandes, quand les relations institutionnelles se crispent.
Par ailleurs, ce qui me semble fondamental, et que j’ai nettement vu progresser ces dernières années, c’est la prise de conscience des postes diplomatiques (ambassadeurs, consuls, administration), qui prennent davantage en compte ces relations non institutionnelles dans leur démarche. Comme elles l’ont été au sortir de l’horreur entre la France et l’Allemagne il y a bientôt 80 ans, la diplomatie culturelle et les coopérations entre les sociétés civiles seront essentielles dans le règlement des crises au XXIème siècle.
C’est précisément ce que je dirai à mes collègues de la commission des affaires étrangères, le 18 octobre prochain, lors de l’examen du budget 2024 : il y a un passage pour construire la paix demain. Il passe par les sociétés civiles et leur capacité à s’ouvrir sur le reste du monde.
(*) Terres de sang : l’Europe entre Hitler et Staline, Timothy D. Snider, Gallimard, 2012