Elon Musk, est devenu le principal utilisateur du réseau social X (ex-Twitter), voire son grand manipulateur. Sollicité ces dernières semaines par les partisans du boycott, j’ai décidé de ne pas déserter X. Je m’en explique.
Je ne suis pas naturellement un accroc des réseaux sociaux; si je n’avais pas été élu, il y a peu de chance que je me sois autant investi. Avant 2017, je n’avais pas de profil Facebook, ni LinkedIn.
Mais je suis un citoyen engagé depuis mon adolescence, et j’ai toujours apprécié le débat contradictoire, voire le conflit tant qu’il reste courtois et respectueux de l’autre. En devenant parlementaire, c’est cette logique qui m’a convaincu de franchir le pas, et de prendre part aux débats sur les réseaux sociaux. La démocratie est inclusive, elle se base sur les divergences, elle crée les conditions et préserve l’espace du débat public. Ma présence sur X s’est construite patiemment, dans l’acceptation des règles et des usages, nouveaux pour moi, dans le respect des voix discordantes, et l’évitement des voix insultantes ou déplacées.
Au-delà des prises de position de son propriétaire et de l’utilisation qu’il fait de son média, visant à déséquilibrer le débat public et à s’ingérer dans nos élections en Europe, le plus troublant depuis le rachat du réseau par le multimilliardaire Elon Musk, c’est la création désinhibée de « bulles » cognitives, affectives, de nouvelles assignations intellectuelles à résidence. Les algorithmes d’X, peu à peu, délibérément, conduisent chaque opinion à s’enfermer autour de ses thuriféraires les plus fermés, violents, pour des raisons strictement économiques et de rentabilisation de l’investissement de départ. En lieu et place d’un espace public numérisé, multipliant et facilitant l’accès des citoyens à l’information, nous dérivons vers des bulles juxtaposées. Logique dès lors que le débat public devienne une foire d’empoigne dont le seul but est de « gagner » le droit de « faire taire » les autres.
Je n’oublie pas non plus que le Kremlin nous mène une guerre informationnelle sans merci, afin de manipuler notre opinion publique et en faire le talon d’Achille de notre « architecture de sécurité ». Je ne quitterai pas ce champ de bataille non plus.
Quitter X aujourd’hui alors que les opinions que je combats depuis toujours y prospèrent, serait aussi déplacé qu’un député qui refuserait de fréquenter les cafés ou les marchés de sa circonscription quand les opinions se retournent. En tant qu’élu de la République, il est de ma responsabilité particulière de ne pas « déclarer forfait » quand la démocratie est en danger.