Le gouvernement avait pris l’initiative de séparer deux textes initialement réunis, l’un sur l’accompagnement et les soins palliatifs, l’autre sur le droit à l’aide à mourir. Ce choix a permis un vote plus éclairé, notamment pour tous ceux qui ne s’étaient pas encore fait d’opinion sur la question du « suicide assisté » tout en étant favorable au développement des soins palliatifs.
Pour ce qui me concerne, au cours des débats, j’ai été extrêmement attentif aux points suivants :
- La clause de conscience générale pour l’ensemble des professionnels de santé ;
- La claire séparation entre le médecin sollicité et le collège médicale chargé de l’avis ;
- Les délais de sécurité prévus dans la procédure ;
- La vérification de la liberté de la décision personnelle du demandeur.
Le texte doit à présent partir au Sénat, puis nous revenir, il n’a donc pas fini son parcours législatif, et j’espère que les débats resteront à la hauteur de ce qu’ils ont été jusqu’à présent, à la hauteur de notre démocratie.
Texte « Accompagnement et soins palliatifs »
J’ai voté en faveur de ce premier texte. Pour plusieurs raisons :
- J’étais favorable à l’introduction de la notion d’accompagnement. Le soin palliatif ne peut pas être dissocié d’autres formes d’accompagnement, hors actes médicaux. L’ajout du terme est essentiel pour les nouveaux défis du « grand âge » qui sont encore devant nous ;
- J’étais également favorable à l’introduction de l’obligation de définir une stratégie décennale ;
- Le fait de dissocier les deux textes tout en ayant un seul débat, et un seul titre au débat, celui de la fin de vie, a permis par ailleurs un vote différencié qui était souhaitable.
Texte sur le « droit à l’aide à mourir »
J’ai voté contre ce texte.
J’affirme cependant que :
- La loi, telle qu’elle sort de l’hémicycle, ne donne aucun droit à personne de tuer qui que ce soit ;
- Les garde-fous, augmentés et débattus en séance (ce qui est déclaré « au banc » compte, même si ce n’est pas dans la loi) sont solides ; ils ne permettent ni de dévoyer la loi et d’en faire une loi autorisant le meurtre, ni n’ouvrent la voie à une civilisation de la mort et de l’eugénisme.
- Je reconnais enfin la difficulté actuelle d’exprimer sa compassion envers ceux qui souffrent de façon inexorable ainsi que celle d’assumer leur responsabilité pour certains médecins, soignants, proches, quand la demande est insistante, virulente, légitime.
D’où vient ma décision de voter contre ce deuxième texte ?
Je pense que la solution à ces situations ne relève pas de la loi de la nation. Ces décisions ont trait à l’intime, aux convictions profondes de chacun d’entre nous. Je ne suis pas convaincu que la loi doive interdire ou permettre le choix, quel qu’il soit, des personnes confrontées à cette question vertigineuse. J’aurais été favorable à ce que le texte propose une « dépénalisation », comme le faisait d’ailleurs la loi Veil, plutôt que la création d’un droit opposable.
D’ailleurs, les situations dont nous parlons et dont j’ai moi-même fait l’expérience dans ma vie à quelques reprises, n’auraient en rien été transformées par le fait que cette loi ait déjà été votée ou pas.
J’ai tout à fait conscience qu’avec ce vote, je ne réponds pas à ceux, et ils sont nombreux, je le sais, qui souhaitaient que le législateur les accompagne dans ce devoir de compassion et de responsabilités contradictoires. Je pense cependant que la réponse doit préserver le caractère intime de la discussion avec soi-même, de la discussion familiale, le caractère à tout le moins confidentiel d’un professionnel avec son patient ; et de respecter ce que chaque personne concernée a de plus précieux : sa liberté et sa responsabilité personnelles.
À travers mes votes, j’ai essayé de prendre une décision de législateur, dans l’intérêt supérieur de la nation, en faisant abstraction de mes choix philosophiques et spirituels. Je continue à penser, peut-être simplement à espérer, que je ne serai jamais amené à renier une vie que l’on m’a donnée, dont je suis responsable mais non propriétaire.
J’ai également conscience que beaucoup de mes concitoyens n’ont pas les mêmes convictions que moi, et que je légifère aussi pour eux. Personnellement, cette loi ne m’offre pas de « droit nouveau » puisque je refuserai de l’utiliser. En revanche, elle ne réduit pas ma liberté de conscience.